Faire de la mutualisation dans le secteur communal un levier pour la mise en œuvre de la réforme territoriale et une solution à la baisse des dotations de l'Etat. C'est en substance ce que propose un rapport sur ce thème élaboré par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'administration. Commandé – ce qui était inédit - par la ministre en charge de la décentralisation et le président de l'Association des maires de France, ce rapport établit à la fois l'état des lieux et le bilan des mutualisations, avant de fournir un mode d'emploi pour passer à la vitesse supérieure.
La mise en commun des moyens des communes d'un même EPCI à fiscalité propre - avec ou sans ce dernier - peut passer par une dizaine d'outils juridiques existants : mise à disposition de services (des communes vers l'intercommunalité ou, à l'inverse, de celle-ci vers les communes), transfert de compétence à l'EPCI, services communs, groupement de commande, entente… En sachant que certains instruments, comme les groupements de commandes et les "mutualisations informelles", sont plus répandus que d'autres et que la mutualisation entre la ville-centre et l'EPCI est plus fréquente que la mutualisation entre les autres communes.
Malgré leur relative complexité et en dépit d'un contexte d'insécurité juridique (du fait qu'ils aient été regardés un temps avec méfiance par la Commission européenne), ces outils se sont développés progressivement. Les élus ont vite perçu l'intérêt qu'ils pouvaient en tirer pour améliorer le service rendu (par exemple une plus grande fréquence de l'entretien des routes) ou créer de nouveaux services (maison médicale ou crèche). Au final, ils n'ont pas été déçus.
Suppression des doublons
Les démarches de mutualisation ont été en revanche moins utilisées dans l'optique de réaliser des économies. Mais la baisse, entre 2015 et 2017, de 11 milliards d'euros des dotations aux collectivités - dont 7 milliards d'euros pour le seul bloc communal - incite les élus locaux à faire de la mutualisation aussi, voire d'abord, un moyen de réduction des dépenses. 62% des 576 communes ayant répondu à une enquête élaborée dans le cadre de la mission émettent d'ailleurs des attentes allant dans ce sens.
La mutualisation répondra-t-elle aux espoirs que leurs responsables fondent sur elle ? Les gains financiers liés à la mutualisation ne doivent pas être exagérés, car il faut tenir compte aussi de surcoûts, tels que l'alignement vers le haut des régimes indemnitaires, répondent en substance les hauts fonctionnaires de l'Etat. Mais ils sont clairs : "Les économies sont possibles", notamment par la suppression des doublons parmi les personnels et la réduction des frais généraux.
Pour développer davantage les pratiques de mutualisation, deux moyens possibles : soit les rendre obligatoires, soit manier les incitations. L'obligation passerait par l'élargissement de la liste des compétences optionnelles des communautés d'agglomération et de communes, ou bien encore par une mutualisation systématique de certaines fonctions supports (systèmes d'information, expertise juridique, comptabilité). En parallèle, les communes et groupements seraient encouragés à plus de mutualisation via un bonus/malus sur les dotations de l'Etat. C'était la logique du coefficient de mutualisation instauré par la loi de modernisation de l'action publique territoriale de janvier 2014.
Encadrer les possibilités d'emprunt ?
Mais le rapport conclut à l'incapacité de l'appliquer en l'état. A la place, il recommande la mise en oeuvre à partir de 2016 d'un "coefficient d'intégration et de mutualisation", qui équivaut à la part des dépenses (de fonctionnement et d'investissement) de l'EPCI dans les dépenses totales des communes et de l'EPCI. Ce nouvel outil aurait une vocation large, puisque sa mise en œuvre servirait aussi à encourager l'intégration communautaire des 5.800 syndicats de communes dont les limites sont plus étroites que celles de l'EPCI. Les communautés qui, malgré le bonus/malus, seraient tentées de ne pas recourir à la mutualisation, et donc de renoncer à une réduction de leurs charges par cette voie, pourraient avoir pour solution d'emprunter pour maintenir leurs dépenses. C'est ce que redoute la mission. Qui, pour éviter un tel comportement, propose d'étudier "le cas échant" la mise en œuvre d'un "outil encadrant le recours à l'emprunt".
Au-delà, pour favoriser encore la mutualisation, les inspections préconisent des assouplissements juridiques, notamment pour rendre plus aisée la mutualisation entre plusieurs communes d'un même EPCI, sans cet EPCI. Le cadre de la création des services communs serait aussi moins rigide. Les inspections proposent par ailleurs de supprimer la règle de l'automaticité de l'alignement du régime indemnitaire des agents sur le plus élevé des régimes indemnitaires, ce qui devrait être très mal perçu par les syndicats de la fonction publique.
"On n'achète pas tout dans ce rapport. Mais ce sera un rapport extraordinairement précieux pour les élus. C'est en quelque sorte le prêt-à-penser sur la bonne méthode pour avancer", a réagi le président de l'AMF, François Baroin. Le rapport sera complété par un guide des bonnes pratiques à l'attention des élus locaux, dont la diffusion interviendra dans les prochains jours.
"La mutualisation répondra au besoin des élus locaux de disposer d'une ingénierie de qualité", a souligné la ministre chargée de la décentralisation, Marylise Lebranchu. Elle a montré de l'intérêt pour plusieurs des propositions. Certaines devraient trouver leur concrétisation via des amendements au projet de loi de nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) actuellement en discussion au Sénat. Quant à l'incitation financière à la mutualisation, que la ministre tient à mettre en œuvre, elle figurera dans le projet de loi de finances pour 2016.
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