Des aires de lavage viticoles pour la qualit de l'eau (34)

April 2024 · 4 minute read

Faugères, Saint-Chinian, ces deux Appellations d'origine contrôlée (AOC) sont produites en amont de Béziers, sur les basses vallées de l'Orb et du Libron, dans l'Hérault. Sur ce territoire, plusieurs captages et cours d'eau présentent un enjeu prioritaire de réduction des pesticides. Et les traitements de la vigne expliquent en partie la situation. Dès 2007, le syndicat des vallées de l'Orb et du Libron s'est donc engagé dans un programme de reconquête de la qualité de l'eau.

« Nous avons adopté une stratégie d'action sur les captages d'eau et cours d'eau à enjeux, situés en partie basse du bassin-versant, la plus viticole », souligne Yannis Gilbert, animateur agro-environnemental au SMVOL. L'idée de créer une aire de lavage collective naît en 2009 : « D'un côté, nous demandions des efforts dans les pratiques à la parcelle aux viticulteurs et de l'autre, ils lavaient leurs pulvérisateurs dans le réseau d'eaux usées sans contrainte, c'était incohérent. » Sur le captage prioritaire pilote de Murviel-les-Béziers, le premier adjoint au maire de la commune de Laurens, Patrice Laffond, lui-même viticulteur, accepte de porter le premier projet, une trentaine de viticulteurs adhérant à l'idée. « Il nous a pourtant fallu 4 ans pour concrétiser ce pari novateur qui était une première en France. Heureusement que l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse a accepté de nous soutenir avec une aide de 80 % pour tester cette solution. »

Un fonctionnement simple

Le SMVOL s'est appuyé sur les viticulteurs pour concevoir le prototype de cette première aire collective de lavage : test et optimisation des consommations d'eau pour le lavage, choix d'un principe de badge pour une ouverture 24h/24 et 7j/7 de l'aire, entretien annuel par les agriculteurs pour réduire les frais. « C'est une aire rustique, qui permet de nettoyer les pulvérisateurs, mais aussi les machines à vendanger, avec 2 programmes différenciés », précise l'animateur. En 2013, l'aire prototype de Laurens est inaugurée. Très rapidement, le confort d’utilisation et le coût limité pour les agriculteurs convainquent : 50 € d'adhésion annuelle pour un pulvérisateur, 100 € pour une machine à vendanger. « À partir de là, on a simplement recopié le modèle ! »

15 nouvelles aires collectives ont été créées entre 2014 et 2019, avec un pic de 9 aires pour la seule année 2019 ! À tel point que l'animateur y a consacré un mi-temps en 2018 et 2019. Pour chaque création, le SMVOL déroule un processus bien rodé : sollicitation de la commune ou du groupe de communes volontaire, repérage des viticulteurs invités à une réunion publique, retour par chacun de fiches d'intention individuelle d'adhésion, pour pouvoir dimensionner l'aire au plus près des besoins, conception technique et mise en œuvre. « Nous jouons un rôle d'intermédiaire pour la configuration technique de l'aire et le dépôt des demandes de subventions, la commune reste le porteur du projet », précise l'animateur. Une fois la station construite, la commune assure le fonctionnement de l'aire : un élu et un technicien sont formés à l'usage du site.

Amélioration de la qualité de l'eau

Aujourd'hui, les 16 aires permettent de traiter 800 m3 d'effluents phytosanitaires et 12 000 m3 d’effluents vinicoles à l'année. Le SMVOL a toujours visé l'amélioration de la qualité de l'eau : « il est difficile de chiffrer précisément la part des aires dans la réduction globale des pesticides mais elles concourent à notre objectif : aujourd'hui, on ne trouve pas trace des molécules de pesticides contemporaines, même s'il reste encore des traces de molécules plus anciennes. » De leur côté, les agriculteurs ont d'abord adhéré au projet du fait de la praticité des aires. « Puis l'arrêté de 2017 sur les pesticides est venu confirmer notre intuition : ils doivent maintenant garantir leurs pratiques. Les aires collectives délivrent ainsi un certificat de conformité qui les sécurise. »

Le gros entretien annuel des aires se fait avec 3-4 agriculteurs de la commune, en tournant d'une année sur l'autre. Le technicien du SMVOL participe à ces entretiens : « c'est un moment convivial qui permet de régler les petits soucis et d'ajuster le fonctionnement des aires au fil du temps. » Sur chaque site, les agriculteurs sont aussi obligés de s'organiser pour ne pas utiliser en même temps le site, même si certaines aires disposent de plusieurs quais. « Les aires de lavage sont devenues un lieu d'échange, un élément fédérateur collectif qui instaure du dialogue entre viticulteurs d'une même commune ou de communes voisines. »

Sur l'AOC Faugères où ont été créées les 2 premières aires - 7 communes et 2 000 hectares de vignes - le SMVOL a même réussi à impulser une dynamique encore plus vertueuse, accélérant la conversion au bio de l'AOC. « La création d'aires collectives nous a permis d’en fédérer de manière concrète sur un secteur où il y avait déjà 30 % de vignerons bios. Nous avons ensuite travaillé avec l'AOC pour qu'elle soit opérateur direct des mesures agro-environnementales. » Le syndicat viticole dispose désormais d'un poste d'animation agro-environnemental : en 8 ans, les surfaces en bio sont passées de 600 à 950 hectares. L'AOC est désormais un « Grand vin de nature » et travaille à une valorisation économique à la bouteille pour se passer, à terme, des subventions.

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