Front commun pour "une politique du logement plus ambitieuse"

July 2024 · 6 minute read


Effondrement, vives inquiétudes, perspectives inquiétantes, crise grave... : les adjectifs n'ont pas manqué pour décrire la situation et réclamer "une politique du logement plus ambitieuse". À la tribune d'une conférence de presse organisée ce mercredi 20 février : une alliance entre l'Union sociale de l'habitat (USH), trois associations de collectivités ayant des compétences en matière de logement - AMF, ADCF et France urbaine (son président, Jean-Louis Moudenc, n'ayant finalement pu être présent) -, la Fédération française du bâtiment (FFB), le Medef (Jacques Chanut, président de la FFB étant également vice-président du Medef et président de sa commission Logement) et la fondation Abbé-Pierre. Seule absence remarquée : celle de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Objectif de cette réunion : afficher un front commun et faire entrer le logement parmi les sujets majeurs du Grand Débat national. Les participants sont en effet unanimes à considérer que le logement est le grand oublié de cette démarche.

Un succès pour l'USH

Cette démonstration de force est un succès pour l'USH, qui avait déjà tenté de porter le thème du logement dans le Grand débat, mais en solitaire (voir nos articles ci-dessous du 11 décembre 2018 et du 6 février 2019). Pour Jean-Louis Dumont, la crise du logement risque en effet de s'aggraver. Le président de l'USH a notamment rappelé les deux millions de demandes de logement social en instance, alors qu'"on va nous contraindre à produire seulement 65.000 logements". Un chiffre qui ne correspond pas à un objectif politique, mais s'appuie sur la récente étude de la Caisse des Dépôts sur les perspectives à moyen et long terme du logement social, même si celle-ci donne en réalité une vision plus nuancée que celle exposée par les participants (voir notre article ci-dessous du 9 octobre 2018). .

"Une baisse très significative de la capacité d'investissement"

Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'USH, a insisté plutôt sur l'impact économique négatif, sur le logement social, des mesures contenues dans la loi de finances pour 2018, qu'il chiffre à près de six milliards d'euros cumulés sur la période 2018-2020, dont principalement 3,2 milliards d'euros pour la RLS (réduction du loyer de solidarité compensant la baisse des APL), 1,6 milliard pour la hausse du taux de TVA et 0,5 milliard pour le gel des loyers. L'Etat a certes prévu des mesures d'accompagnement - comme le gel du taux du livret A (gain potentiel de 2,4 milliards d'euros sur les frais financiers) ou le prêt de haut de bilan bonifié de la Caisse des Dépôts (équivalent à 0,8 milliard de subventions) -, mais elles seraient loin de compenser les prélèvements. Conséquence : une "baisse très significative de la capacité d'investissement des organismes HLM" et la crainte d'une "baisse importante et continue de la production de nouveaux logements locatifs sociaux et du nombre de logements réhabilités".

"Tout se passe comme si l'État avait peur de ses territoires"

Pour François Baroin, qui partage ce "constat plus que préoccupant", le coupable est tout trouvé. Il s'agit en l'occurrence de la réduction des APL (aides personnelles au logement), depuis laquelle "tous les clignotants sont au rouge". Reprenant la position unanime de son bureau, le président de l'AMF demande une nouvelle fois instamment au gouvernement de revenir sur cette réforme.
Mais l'AMF a également une autre inquiétude : le sort des garanties données par les collectivités territoriales sur les prêts aux organismes HLM, dont l'encours est de l'ordre de 150 milliards d'euros. Sans donner de chiffres précis, François Baroin évoque une hausse significative des demandes d'allongement des prêts de la part des bailleurs sociaux. Par ailleurs, les organismes de notation financière commencent à s'inquiéter de la fragilisation de ces emprunts et de l'impact possible sur la situation des collectivités (et donc sur leur cotation). Enfin, le président de l'AMF s'inquiète aussi des effets des regroupements d'organismes HLM sur la gouvernance du secteur, avec les risques de retards afférents dans les prises de décisions.
Pour Jean-Paul Bret, "tout se passe comme si l'État avait peur de ses territoires". Le vice-président de l'ADCF regrette que la loi Elan "nous ignore complètement", alors qu'"on a fait la preuve qu'on peut être des partenaires fiables, engagés et efficaces". Pour autant, "tous les territoires ont besoin d'une politique du logement, qu'ils soient tendus ou non tendus". L'ADCF se dit donc prête à contractualiser avec l'État sur ce point, pour autant que le gouvernement avance des objectifs autres que la simple réduction des coûts.

"Créer de l'espoir" plutôt que "pousser un coup de gueule"

Pour sa part, Jacques Chanut estime que la baisse de la production de logements observée en 2018 va se poursuivre cette année. Le président de la FFB et vice-président du Medef s'inquiète notamment d'un recul marqué dans les zones B2 et C et de la détérioration amorcée au quatrième trimestre 2018 en matière de rénovation, notamment dans le parc social. Pour autant, la FFB et le Medef "ne se résolvent pas à l'inéluctable". Ce volontarisme s'est notamment traduit par le grand plan lancé par Action logement, qui doit permettre la réalisation de 18 milliards d'euros de travaux sur trois ans. Mieux : Jacques Chanut estime que "la politique du logement, ça marche". Il en veut pour preuve, entre autres, le fait que la part des ménages soumis à un taux d'effort en matière de logement supérieur à 40% est passée en France, en dix ans, de 5,7 à 4,7%, alors qu'elle s'est accrue dans la zone euro. Conclusion : pour la FFB et le Medef, il ne s'agit pas de "pousser un coup de gueule", mais de "créer de l'espoir".
De son côté, Christophe Robert estime qu'"on doit considérer le logement pour tout ce qu'il impacte sur les territoires". Pour avoir assisté au débat organisé avec Emmanuel Macron à Courcouronnes (Essonne), le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre estime que, même s'il ne fait pas partie des thèmes "officiels", le sujet du logement revient toujours sous différentes formes dans le Grand débat. La Fondation formule donc trois propositions pour servir de base à la discussion avec l'Etat sur ce sujet essentiel : renoncer à une deuxième vague de coupes budgétaires sur le logement et ne pas dégrader le modèle économique du logement social, faire en sorte que l'Etat encourage les maires bâtisseurs (par exemple sous forme d'un bonus/malus) et lancer un grand plan de rénovation thermique des logements.

"Une main tendue pour un dialogue constructif"

Cette première initiative commune aux participants à cette conférence de presse ne devrait pas rester sans suites. S'il n'y a pas, pour l'instant, de programme partagé ou de propositions communes, les convergences visibles tout au long de la réunion devraient déboucher sur une déclaration commune, qui pourrait être présentée "d'ici à deux semaines". Celle-ci devrait ensuite entrer dans le cadre du Grand débat national et, plus encore, dans les mesures, qui pourraient être annoncées par le gouvernement.
Pour Jean-Louis Dumont, il faut en effet discuter maintenant avec le gouvernement d'un "pacte de construction pour un logement durable et abordable pour toutes les générations". Aussi cette prise de parole collective doit-elle être considérée comme "une main tendue pour un dialogue constructif". Un dialogue constructif qui pourrait se nouer dans le cadre de la clause de revoyure avec le gouvernement, pour laquelle un premier rendez-vous est prévu dès le 23 février, ainsi qu'un rendez-vous avec le Premier ministre le 15 mars.

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