"Si le ressenti des territoires est négatif, les chiffres démontrent une utilisation française des fonds européens dans la moyenne européenne, avec un taux de programmation à 61% en fin d'année 2018." Pour Colette Mélot, rapporteur de la mission sénatoriale d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, qui a remis son rapport le 1er octobre, après trois mois de travaux, la situation française n'a rien d'alarmant. En effet, sur les 27,8 milliards d'euros accordés à la France sur la période 2014-2020, 61% des crédits ont déjà été programmés, contre 67% pour l'Allemagne, 62% pour l'Italie ou encore 49% pour l'Espagne. La mission note toutefois un "démarrage plus lent" pour cette programmation, due à des négociations budgétaires difficiles et à l'adoption tardive des règlements européens et des disparités régionales, dues souvent à la réforme territoriale. Par ailleurs, face à la crainte d'un dégagement d'office (le retour à Bruxelles des crédits non consommés dans les deux ans), la mission a rappelé qu'une prolongation allait permettre d'utiliser les crédits jusqu'à fin 2023.
La France, avant-dernière de la classe pour le programme Leader
Voilà pour le constat général. Mais la situation n'est pas la même pour tous les fonds. Elle est même mauvaise s'agissant fonds européen agricole pour le développement rural. (Feader) qui fait l'objet d'une passe d'arme entre l'État et les régions depuis le début de la programmation. Et au sein du Feader, c'est le programme de développement local Leader qui est le plus critique. C'est même lui qui avait suscité la création de cette mission sénatoriale. Son taux de programmation n'atteint que 43%. Et le taux de paiement n'est que de 5%, quatre ans après le début de la programmation... Ce qui classe la France à l'avant-dernière place de l'Union européenne pour ce programme. Les sénateurs cherchent cependant à relativiser : "Sur 27,8 milliards d'euros, Leader ne représente que 700 millions d'euros, soit 5%, a ainsi précisé Laurence Harribey, sénatrice de la Gironde et présidente de la mission d'information, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt."
Aller au bout de la décentralisation
Quoi qu'il en soit, les sénateurs demandent à l'État d'aller au bout de la décentralisation, en donnant vraiment aux régions les moyens de leurs compétences. En 2014, la loi Maptam a en effet confié aux régions la gestion des fonds européens, mais la majorité des demandes sont toujours instruites par l'État. C'est une décentralisation en "trompe l'oeil", s'offusque Laurence Harribey. Ainsi, pour le Feader (second pilier de la PAC), les régions doivent se voir chargées de l'instruction et du suivi de l'intégralité des mesures dites "non surfaciques" - c'est-à-dire non corrélées aux surfaces agricoles, à savoir les aides à l'investissement et le développement rural, ce qui inclut Leader -, "sans présager pour autant d'une compétence plus large à moyen terme", estiment les sénateurs. C'est également la position du gouvernement, comme l'a expliqué la ministre Jacqueline Gourault devant la mission sénatoriale, mi-septembre, et comme l'a redit le Premier ministre, Édouard Philippe, le 1er octobre à Bordeaux, lors du congrès des régions. Ce qui implique en creux un retour dans le giron de l'État des aides dites surfaciques du second pilier (ICHN, Maec, aides au bio).
Une "captation" des crédits par les grandes collectivités
Autres préconisations des sénateurs : simplifier les procédures. "Faire preuve de pragmatisme", "éviter de demander plusieurs fois le même document", "moderniser le fonctionnement des systèmes d'information"... Les sénateurs proposent aussi de favoriser l'approche partenariale entre l'État et les différents niveaux de collectivités pour "s'accorder sur les priorités à financer". Il s'agit de faire en sorte que les plus petites collectivités puissent s'appuyer sur les plus grandes", a détaillé Colette Melot, alors que Laurence Harribey parle d'intelligence collective, "permettant de mettre tous les partenaires autour de la table". Car aujourd'hui, "il y a une forme de captation des fonds européens par les grandes collectivités", a dénoncé Bernard Delcros, sénateur du Cantal. "Alors que c'est plus difficile pour les plus petites, qui n'ont pas l'ingénierie nécessaire. Or, que ce soit pour des projets à hauteur d'un million d'euros ou de 10.000 euros, les exigences sont les mêmes !"
La mission propose enfin de réduire le nombre de programmes opérationnels pour rationaliser les mesures existantes. À l'heure actuelle, il n'y a pas moins de 83 programmes opérationnels en France…
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