Julien Denormandie rassure les EPL sur leur place dans la loi Elan

July 2024 · 6 minute read


Au lendemain de la présentation du projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique) en conseil des ministres (voir notre article ci-dessous du 5 avril 2018), la Fédération des Entreprises publiques locales (EPL) organisait à Paris, le 5 avril, une rencontre nationale consacrée au texte, en présence de Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires. Objectif affiché : "débattre des dispositions figurant dans le projet de loi et arrêter une feuille de route avant son examen par le Parlement". En effet, "centré sur la réorganisation des bailleurs sociaux, ainsi que sur les activités d'aménagement avec, dans les deux cas, un possible retour en force de l'Etat sur les territoires, le projet de loi Elan questionne le positionnement de l'ensemble des EPL et de leurs stratégies de développement à court et moyen terme". Une préoccupation largement partagée par les intéressés à en juger par le nombre d'élus et d'organismes présents.

"Une vive inquiétude, et parfois de la colère"

Jean-Marie Sermier, président de la Fédération des EPL - et député (LR) du Jura - a tenu d'emblée à exprimer au secrétaire d'Etat "la vive inquiétude et parfois la colère" des entreprises publiques locales - "premiers aménageurs de France" - et des Sem logement, qui gèrent 11% du parc social mais assurent 15% des mises en chantier.
Pourtant, le mouvement "se félicite de la quasi-totalité des dispositions du projet de loi", qui vont dans le sens de la simplification et de l'allègement, et partage avec le gouvernement la volonté "d'être agile", comme le souci de mutualiser les moyens et de rationaliser le tissu des bailleurs.
L'inquiétude et la colère viennent des "intentions de recentralisation" prêtées au gouvernement à travers le texte. Si la Fédération des EPL n'est pas hostile au principe du groupe société anonyme de coordination (SAC), prévu par le projet de loi Elan, elle estime qu'avec le seuil de 1.500 logements imposé aux Sem (que les deux tiers d'entre elles n'atteignent pas), "on ne s'y prendrait pas mieux pour marginaliser, voire évincer les Sem des groupes".

"Croire à l'intelligence du terrain"

Après avoir évoqué l'annonce, le matin même, d'une enveloppe de financement de dix milliards d'euros apportée par la Caisse des Dépôts (voir notre article ci-dessous du 5 avril 2018), Julien Denormandie a rappelé les cinq éléments clés du projet de loi en matière de logement : le financement du choc de l'offre et la priorité donnée à l'aide à la pierre, la mise à disposition d'outils et la révision de la loi MOP, le renforcement de l'accession sociale dans le parc Hlm, la politique des loyers - qui sera traitée lors du débat parlementaire, faute pour la conférence de consensus d'avoir eu le temps d'aborder le sujet, et pour laquelle il reconnaît que "la question de davantage de liberté pour les bailleurs est légitime" - et le regroupement des acteurs (sur le contenu de la réforme, voir nos articles ci-dessous du 6 mars et du 4 avril 2018).
Mais Julien Denormandie a surtout tenu à rassurer les EPL et à lever ce qui relèverait pour une bonne part de malentendus. Il a ainsi affirmé : "Loin de nous une quelconque recentralisation". Au contraire, "le sens de l'histoire est de territorialiser les aides financières", y compris en mettant sur la table une remise en cause du zonage actuel, afin de s'approcher au plus près de la réalité des territoires.
Le secrétaire d'Etat est revenu longuement sur la question du seuil de 1.500 logements. Il a notamment expliqué que ce seuil - qui donne à l'Etat la possibilité de retirer un agrément uniquement si la Sem gère moins de 1.500 logements - existe depuis 1971 et a été utilisé seulement à trois reprises en cinquante ans, pour des cas très particuliers. Il s'est dit toutefois ouvert à des précisions sur ce point lors de l'examen du texte au Parlement.
Pour Julien Denormandie, "le sens du projet de loi, ce ne sont pas les fusions, mais les regroupements". Pour lui, la création de la SAC est une façon, non pas d'imposer, mais de "croire à l'intelligence du terrain".

Le message de réassurance entendu par les EPL

La volonté d'ouverture et de réassurance affichée par le secrétaire d'Etat a manifestement porté ses fruits. Jean-Marie Sermier considère désormais que "le projet de loi pose un peu moins de questions, même si tout n'est pas encore levé" et qu'"il faut maintenant que le texte suive l'esprit" (des propos du ministre).
Pour sa part, Frédérique Calandra, maire du 20e arrondissement de Paris et présidente de la RIVP (Régie immobilière de la ville de Paris) s'est dite "considérablement rassurée". Côté dirigeants, Pierre Rochery, directeur général de la Semivit à Tours, se dit lui aussi "rassuré sur l'état d'esprit de la loi".

Une certaine perplexité

Si les inquiétudes sont ainsi largement levées - même si certains invitent à la prudence tant que les assurances ne se traduisent pas en actes -, il demeure néanmoins un sentiment de perplexité. Les nouvelles règles annoncées perturbent en effet certains projets en cours. Pour Olivier Subra par exemple, directeur général de Béarnaise Habitat, le rapprochement engagé entre la Sem et l'OPH de Pau, voulu par François Bayrou, n'aboutira qu'à un total d'environ 8.500 logements, loin du seuil des 15.000. Et alors que le maire de Pau a entrepris de structurer un territoire de 340.000 habitants autour de la capitale du Béarn, il n'est pas question de se tourner vers les villes du Pays basque comme Bayonne...
Lors d'une table ronde, Frédéric Boudier et François Bertrand, sous-directeurs au ministère de la Cohésion des territoires (DGALN et DHUP), se sont également efforcés de rassurer les EPL en évoquant d'autres rapprochements possibles, par exemple avec les opérateurs d'Action logement. Ils ont aussi rappelé que la loi prévoit des dérogations pour s'adapter à la réalité des territoires, mais celles-ci visent plutôt le cas des organismes uniques dans un département, à l'image de la Lozère.

La RLS revient sur le devant de la scène

Enfin, bien que n'étant pas censée être au cœur du débat, la question de la réduction de loyer de solidarité (RLS) est néanmoins revenue sur le devant de la scène. Pour Jean-Léonce Dupont - à la fois président (Les Centristes) du conseil départemental du Calvados, d'un office de 18.000 logements et d'une Sem de 400 logements - la mise en place de la RLS "interroge la capacité à générer du résultat". Après plusieurs années passées à améliorer ses capacités d'autofinancement, son office va ainsi voir passer brutalement cette dernière de neuf à cinq millions d'euros. De son côté, le directeur général de Cristal Habitat (8.600 logements et 214 locaux professionnels à Chambéry), juge la RLS "mortifère et injuste, car elle s'applique sur les loyers pratiqués et pas sur les loyers conventionnels". Elle pèse donc particulièrement sur les organismes qui pratiquent des loyers bas.
Julien Denormandie a expliqué à nouveau - sans forcément convaincre tous les participants - le choix de ce dispositif complexe, dont il reconnaît qu'il n'est pas idéal mais qui a au moins le mérite d'être neutre pour les locataires. Il a aussi rappelé l'ampleur des apports de financement de la Caisse des Dépôts, qui doivent permettre aux opérateurs de contribuer largement au "choc de l'offre" sans mettre en péril leur situation financière.

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