Le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a annoncé ce 28 août sa décision de quitter le gouvernement. Nommé en mai 2017, il s'était donné un an pour juger de son utilité et y est finalement resté quinze mois. Sa décision prise la veille, sans en avertir à l'avance le président de la République ni le Premier ministre, provoque un tollé politique.
L'"inévitable buzz" - le mot est du maire de Bordeaux, Alain Juppé - que ce départ suscite est à la mesure de l'ampleur des déceptions, atermoiements et retards pris sur des sujets environnementaux. Nicolas Hulot a expliqué sa décision en ces termes à la matinale de France Inter en soulignant la responsabilité "collégiale, collective, sociétale" : "Je me surprends tous les jours à me résigner, à m'accommoder des petits pas alors que la situation mérite que l'on change de paradigme."
"Tout en saluant la loyauté et la fidélité absolue du président de la République et du Premier ministre, il a mis des mots sur ce que d'autres dénoncent de longue date à savoir la "présence des lobbies dans les cercles du pouvoir", illustrée par celle du conseiller politique des chasseurs lors d'une réunion importante ce lundi à l'Élysée à l'issue de laquelle une baisse du prix du permis de chasse a été annoncée, ce qui aurait influencé sa décision et "achevé" de le convaincre de quitter le gouvernement.
Un bilan et ses zones d'ombre
L'accumulation de déceptions - "je n'y crois plus" a-t-il lâché - l'a emporté sur sa détermination lorsqu'il a pris le poste. Il a dit son impuissance sur les principaux dossiers de son ministère et pointé le travers consistant à "se fixer des objectifs sans en avoir les moyens".
Si l'abandon en janvier dernier de la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes a été pour lui une victoire politique, nombre d'arbitrages ont été perdus notamment contre Bercy ou le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. À quelques mois de la COP24, la difficulté du pays à tenir ses engagements sur le climat et le bilan en demi-teinte de son plan dédié (voir notre article dans l'édition du 30 juillet) pose des problèmes de crédibilité.
L'abandon l'an dernier de l'échéance de 2025 pour la réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique national comme le prévoyait la loi sur la transition énergétique de 2015 a résonné comme un échec. Autre enjeu nécessitant un changement d'échelle, la rénovation énergétique des bâtiments. L'ex-ministre a cité la faiblesse du plan national acté en avril dernier (voir notre article). Quant au plan Biodiversité engagé sans nouveaux outils dédiés mais en rendant plus contraignants ceux qui existent (voir notre article du 5 juillet 2018), son manque de financement a déçu les associations environnementales. Pour améliorer la qualité de l'air, les plans d'action présentés n'ont pas suffi à empêcher le renvoi de la France devant la Cour européenne de Justice pour non-respect de ses obligations.
Un siège vide pour les questions énergétiques
En quittant le gouvernement, Nicolas Hulot laisse aussi sur la table la finalisation d'un document stratégique pour piloter la transition énergétique : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Soumise il y a quelques semaines à un débat public, elle est censée être bouclée pour la fin de l'année. Les débats se crispent sur l'avenir du nucléaire et la part de l'atome dans la production d'électricité. Nicolas Hulot a laissé entendre ses difficultés à imposer ses vues sur le sujet et sur le nombre et l'échéancier des réacteurs à fermer.
Pour le sénateur écologiste de la Loire-Atlantique Ronan Dantec, s'il démissionne c'est sûrement car des arbitrages essentiels ont été à nouveau perdus ces derniers jours. Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du Cler-Réseau pour la transition énergétique, une association à laquelle adhérent une soixantaine de collectivités, "la décision de Nicolas Hulot démontre le manque de résultats, de cohérence et d'écoute de la part du gouvernement". Greenpeace France déplore pour sa part un "gâchis" et une année perdue pour défendre les enjeux environnementaux. Les élus écologistes se disent "inquiets pour la suite" et craignent que d'autres "reculs et renoncements s'accumulent sur la transition énergétique, la protection de la biodiversité ou les questions de pollution et santé-environnement".
"Verdir un gouvernement sans changer de modèle est une illusion", a réagi sur les réseaux sociaux la sénatrice socialiste de l'Oise Laurence Rossignol. Dans l'opposition, rares sont les responsables de droite comme de gauche qui n'ont pas commenté ce départ. L'Élysée a fait savoir qu'il pouvait être "fier de son bilan". Et assuré que la détermination du gouvernement sur les sujets de transition écologique restait intacte. Un remaniement est attendu "mais pas dans l'immédiat". S'agissant de la composition du gouvernement le Premier ministre fera dans les prochains jours des propositions au chef de l'État, actuellement en déplacement au Danemark et en Finlande.
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