Le comit des droits de l'enfant de l'ONU toujours svre avec la France

May 2024 · 5 minute read


Après l'audition de la délégation française, les 13 et 14 janvier dernier à Genève, par le comité des droits de l'enfant de l'ONU, ce dernier a rendu, le 4 février 2016, son rapport sur la situation de la France au regard de l'application de la convention des droits de l'enfant. Il s'agit en l'occurrence du cinquième rapport périodique du genre, le précédent remontant à 2009 (voir nos articles ci-contre du 6 février et du 3 août 2009).

Haut niveau et sérieux ne suffisent pas à convaincre

Dans un communiqué du 4 février 2016 en forme de pare-feu, publié juste avant la diffusion du rapport, Laurence Rossignol indique qu'elle s'était rendue à Genève, comme chef de la délégation française, "pour réaffirmer l'ambition du gouvernement en faveur de la politique de l'enfance, avec une attention toute particulière aux enfants les plus vulnérables". La secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie précise aussi qu'"au cours de l'audition, le comité avait souligné le haut niveau de la délégation et le sérieux des réponses de la France". Mais le haut niveau et le sérieux n'ont manifestement pas suffi à convaincre le comité de droits de l'enfant. Il est vrai que le gouvernement n'a pas vraiment été aidé, dans son plaidoyer, par les rapports adressés au comité - comme le veut la procédure - par plusieurs organisations et associations françaises contribuant à la défense des droits des enfants (voir par exemple nos deux articles ci-contre du 12 juin 2015).

Des avancées juridiques, mais du retard dans les faits

Le rapport du comité reconnaît certes des avancées, notamment dans le cadre juridique. Il cite ainsi, à ce titre, la loi de modernisation du système de santé, la loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, celle sur la transmission des informations préoccupantes ou encore la loi de refondation de l'école de la République. De même, il se félicite de la ratification, par la France, du troisième protocole à la convention des droits de l'enfant - qui permettra notamment aux enfants et à leurs représentants de saisir directement le comité - et d'autres engagements internationaux.
Mais le rapport se fait nettement plus critique - comme en 2009 - sur la mise en œuvre des politiques et sur les retards restant à combler. On pourrait passer sur le débat - très franco-français - autour de la fessée, mais le comité ne l'entend pas de cette oreille. Pour lui, "les châtiments corporels sont une forme de violence" et il demande donc à la France d'"interdire expressément les châtiments corporels dans tous les milieux, y compris au sein de la famille, dans les écoles, les garderies et dans les soins".

Handicap et autisme

Le comité se préoccupe également des cas de mauvais traitements relevés dans quelques établissements pour enfants handicapés. Dans le même ordre d'idée, il remet en cause la technique dite du "packing" - défendue par certains parents d'enfants autistes -, qui consiste à les envelopper dans des draps humides et froids et à utiliser le temps du réchauffement pour favoriser le travail psychothérapeutique. La Haute Autorité de santé (HAS) a également pris position contre cette technique, hors protocoles de recherche autorisés, mais n'a pas été entendue jusqu'à présent.
Au-delà de cette question, c'est l'ensemble de la politique en faveur de la prise en charge des enfants autistes que le comité juge insuffisante. Le comité a en revanche pris note des efforts accomplis pour l'intégration scolaire des enfants handicapés, même s'il juge nécessaire de poursuivre les efforts d'amélioration.

Trois millions d'enfants pauvres et encore trop de discriminations

De façon plus large, les membres du comité se sont inquiétés du sort des trois millions d'enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté, comme l'a dénoncé récemment le comité français de l'Unicef (voir notre article ci-contre du 12 juin 2015). De même, le rapport pointe "la persistance de la discrimination raciale et de la stigmatisation à l'égard des enfants roms". Dans le même esprit, il s'inquiète du sort des enfants dans la "jungle de Calais" et, plus largement, de celui des enfants de clandestins (notamment à propos des placements en zones de rétention et de l'accès aux droits des mineurs isolés étrangers).
En termes de prestations - et malgré un certain nombre d'améliorations -, le comité note aussi la persistance des inégalités de traitement des enfants entre la métropole et les DOM - et tout particulièrement en Guyane et à Mayotte - en matière d'éducation, d'accès aux soins ou d'aide sociale à l'enfance.

Préparer 2021

Certes, la nature même de l'exercice veut que les critiques et les manques soient davantage mis en avant que les avancées et les améliorations. Rares sont donc les pays qui ressortent du comité avec un blanc-seing et il y a évidemment bien pire dans le monde que le cas de France.
Mais, en l'espèce, le comité des droits de l'enfant semble avoir été particulièrement irrité par le fait que la plupart des observations et recommandations figurant dans le rapport de 2016 étaient déjà présentes dans celui de 2009, montrant ainsi que la France n'a pas - ou pas suffisamment - tenu compte de remarques formulées. Il faut donc espérer que le même scénario ne se reproduira pas en 2021, date prévue pour le prochain examen.

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