mise en garde de la Cour des comptes

June 2024 · 5 minute read


La situation du parc hydroélectrique, notamment au regard des conditions de renouvellement des concessions échues, "soulève de multiples difficultés depuis plusieurs années dans un contexte juridique modifié par la réglementation européenne. Il est nécessaire de sortir rapidement de cette situation afin d’éviter que la gestion d’ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu’il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique", souligne la Cour des comptes dans un référé destiné à Élisabeth Borne daté du 2 décembre dernier mais publié ce 6 février, sans la réponse que le gouvernement aurait dû fournir dans un délai de deux mois.

12% de la production d'électricité

Avec 340 ouvrages et une production de 62,5 térawattheures (TWh) en 2021, la France dispose en métropole du plus important parc hydroélectrique de l’Union européenne, rappelle la Cour. Principalement constitué d'ouvrages exploités sous le régime de la concession de service public, ce parc assure 12% de la production totale d’électricité. Les trois principaux concessionnaires sont EDF (70% de la production), la Compagnie nationale du Rhône - CNR (autour de 25%) et la société Hydro-Électrique du Midi – SHEM (moins de 3%.) Mais sous ce même régime de la concession, on trouve une grande variété d'équipements, avec d'importantes disparités de rentabilité. Ainsi, illustre la Cour, en s'appuyant sur les résultats de 2019, "EDF aurait dégagé le même résultat s'il avait exploité dix de ses concessions les plus profitables, les huit barrages du Rhin et deux grands barrages alpins, plutôt que les trois cents dont il assure la gestion sous contrat".

Accélération des contrats arrivant à échéance

Pour la plupart anciens, les contrats de concession actuellement en vigueur ont été passés par l’État au siècle dernier et viennent progressivement à échéance, selon un calendrier qui s'étale entre 2003 et 2080. Trente-huit concessions arrivées à échéance n’ont pas été renouvelées à ce jour. Et le délai d’attribution étant de trois ans environ, la Cour considère qu’elles seront de l’ordre de 61 au 31 décembre 2025. La poursuite de l’exploitation des concessions arrivées à échéance est autorisée par la loi sous le régime dit des "délais glissants", qui impose aux concessions échues le paiement, à partir de 2020, d’une redevance spécifique égale à 40% du bénéfice normatif après impôts. Mais pour la Cour, cette solution provisoire présente "de nombreux inconvénients, notamment en ce qui concerne les investissements nécessaires au bon fonctionnement ou à l'amélioration de ces ouvrages dont la programmation est perturbée et le financement rendu plus incertain".

Quasi-régie : un projet à préciser

Dans le contexte du projet de renationalisation d’EDF, la Cour des comptes constate que la "solution de la quasi-régie est désormais privilégiée par l’État" mais, selon elle, ce choix repose "d’abord sur la recherche d’une solution juridique permettant d’éteindre les contentieux en cours au niveau européen, sans que les conséquences économiques et financières de ce schéma ne soient clairement énoncées". Ce choix devrait permettre selon les magistrats d’optimiser la production hydroélectrique au niveau local et national mais aussi de capter la rente hydroélectrique en situation de prix élevés, "les excédents dégagés par l'exploitation des concessions aboutissant par différents canaux dans la caisse de l'État ou des collectivités locales concernées".
"Les conditions dans lesquelles pourrait fonctionner une quasi-régie ne sont toutefois pas précisées par l’administration", regrette la Cour. "Une quasi-régie qui serait dotée de son propre service de commercialisation serait plus exposée au risque de faible hydraulicité que ne l’est aujourd’hui EDF Hydro au sein du groupe EDF — lequel reste encore largement structuré autour de la complémentarité nucléaire-hydroélectricité — de sorte qu’elle devrait se doter d’une politique de couverture plus prudente pour écouler sa production. Cet inconvénient serait majoré si des évolutions climatiques et météorologiques défavorables affectaient l’hydraulicité de façon croissante", pointent les magistrats.
Ils demandent ainsi au ministère de la Transition énergétique et au ministère de l’Économie de "prendre en compte les conséquences industrielles, économiques et financières en sus des considérations juridiques, au moment d’opter soit pour la reprise en régie ou quasi-régie des concessions hydroélectriques échues, soit pour leur mise en concurrence, à l’unité ou par regroupements".

Le cas particulier des nouvelles stations de transfert d'énergie par pompage (Step)

La Cour estime en outre que le régime concessif ne favorise pas le développement de nouvelles stations de transfert d'énergie par pompage (Step), qui nécessite des investissements considérables. Actuellement au nombre de cinq, ces ouvrages de grande puissance, très utiles pour la flexibilité du réseau, mobilisent des coûts fixes mais aussi des charges variables proportionnelles au coût du pompage. Le projet de développement de nouvelles installations s’est aujourd’hui "enlisé du fait des retards de renouvellement des concessions" et les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoyant de développer 1,5 GW de nouvelles Step d'ici à 2023 pour une entrée en service entre 2030 et 2035) "pourraient ne pas être atteints". Selon la Cour, "il serait opportun de ne plus considérer les Step comme des ouvrages ordinaires destinés à commercialiser de l'électricité sur le marché de détail mais comme des équipements destinés à contribuer à la flexibilité du réseau. Leur statut concurrentiel et leur mode de rémunération devraient être revus en ce sens". Les magistrats formulent donc comme recommandation à l’exécutif de "proposer un modèle de rémunération propre aux Step, à la hauteur de leur contribution au fonctionnement du système électrique français et permettant d’assurer un développement des investissements en ligne avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie".

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