"Engager une nouvelle dynamique afin d’améliorer durablement la prévention des risques professionnels." C'est l'ambition du plan "santé au travail" dans la fonction publique, qui va s'appliquer pour la période 2022-2025. Une "feuille de route" que la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a présentée ce 14 mars, lors de la dernière réunion d'un cycle de discussions avec les représentants des employeurs publics et les syndicats.
Le Premier ministre Édouard Philippe avait décidé en octobre 2019 d'engager ce plan spécifique à la fonction publique. Il s'agissait de mettre en œuvre une recommandation du rapport que la députée (LREM) Charlotte Lecocq, la syndicaliste (CFTC) Pascale Coton et l'ancien directeur général de l'administration et de la fonction publique Jean-François Verdier venaient de lui remettre. Dans ce bilan de la politique de santé au travail dans le secteur public, les experts brossaient un sombre tableau, pointant la montée des incivilités et de la violence à l'égard des agents, le pilotage insuffisant de la politique de santé au travail, les habitudes de fonctionnement "en silo", l'absence de certaines données, ou encore la faible prise en compte de certaines questions, comme le vieillissement des agents.
Dialogue social
Retardées par la crise liée au Covid-19, les discussions sur le plan santé au travail aboutissent donc à quelques semaines de la fin du quinquennat. Censé "tirer les leçons de la crise sanitaire en matière de santé au travail", ce document d'une vingtaine de pages "vise à mobiliser les énergies, fédérer l’ensemble des acteurs". Au total, il repose sur cinq grands axes : "développer le dialogue social et le pilotage de la santé et sécurité au travail", "prioriser la prévention primaire et développer la culture de prévention", "favoriser la qualité de vie et des conditions de travail", "prévenir la désinsertion professionnelle" et "renforcer et améliorer le système d’acteurs de la prévention". Des objectifs (au nombre de 16) et des mesures (pas moins de 36) précisent la mise en œuvre du plan.
L'importance du dialogue social pour construire les politiques tant locales que nationales, en matière de santé au travail, est affirmée dès les premières pages du plan (axe 1). Prévues par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, les formations spécialisées en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, qui seront mises en place au sein des comités sociaux (dans la fonction publique d'État) et des comités sociaux territoriaux (dans la fonction publique territoriale) joueront un rôle clé. Pour leur mise en place, les collectivités et les centres de gestion pourront s'appuyer sur un guide d'accompagnement dont la publication est annoncée d'ici 2023.
"Agir en amont"
La priorité de la prévention "primaire" – qui consiste à "agir en amont afin d'éviter ou de réduire les risques" – est mise en avant dans le second axe. Pour la renforcer, une circulaire sera publiée dans le courant de l'année pour rappeler son caractère obligatoire. Ce qui devrait interpeller un certain nombre de collectivités : avant la crise sanitaire, seulement 35% d'entre elles avaient mis en place un document unique répertoriant les risques professionnels. Toutefois, elles employaient les trois quarts des agents territoriaux. Pour se mettre en règle, les collectivités défaillantes disposeront l'an prochain d'un kit méthodologique. En parallèle, la formation des encadrants et la sensibilisation de l'ensemble des agents à l'importance de la santé au travail vont être développés, notamment par le biais de l'organisation d'une semaine annuelle dédiée à ce thème. Par ailleurs, les initiatives visant à favoriser la santé des agents, telles que les activités physiques et sportives au travail vont être encouragées. A noter encore qu'un plan d'action prévu pour 2023 doit permettre de renforcer "la politique de prévention des violences internes et externes incluant les harcèlements et les violences sexuelles et sexistes".
L'axe numéro 3 est consacré à la qualité de vie et des conditions de travail. Pour la développer, le plan promeut la signature d'accords et de chartes, notamment à l'échelle locale. Un référentiel national sera publié pour faciliter leur élaboration. En outre, les employeurs sont incités à réaliser des études d'impact préalables pour tout projet important modifiant les conditions de travail, en se penchant en particulier sur les effets pour les collectifs de travail. Là encore, ils pourront s'appuyer sur un guide méthodologique qui sera mis à jour.
Maintien dans l'emploi
Autre priorité : la prévention de la "désinsertion professionnelle" (axe 4) liée à une dégradation de l'état de santé. Plusieurs décrets allant dans ce sens sont en préparation, dont un décret qui doit instaurer un entretien de carrière pour les agents qui occupent des emplois présentant des risques d'usure professionnelle (article 40 de la loi du 6 août 2019). Le plan confirme que ces textes seront publiés.
L'axe 5 n'est pas moins important, puisqu'il concerne "le système d'acteurs de la prévention". Il prévoit entre autres le développement de services mutualisés en matière de médecine du travail, ainsi que le lancement cette année d'une mission des inspections générales de l'État sur le système d'acteurs en santé et sécurité au travail dans la fonction publique.
Mesures non contraignantes
Les réactions des syndicats ont été plutôt mitigées. Si l'Unsa a salué dans un communiqué "un premier pas", elle a regretté que plusieurs éléments à ses yeux indispensables n'aient pas été intégrés au plan. "Il devrait comporter des objectifs, des indicateurs, des actions mais aussi un dispositif de suivi et d'évaluation ainsi que la prévision des moyens humains et budgétaires nécessaires à sa mise en oeuvre pour ne pas demeurer lettre morte", a réagi le syndicat.
Dans un communiqué commun, la CGT, FO, FSU et Solidaires ont pointé un plan "dénué de toute ambition", et sans "aucun moyen" dédié à sa mise en oeuvre.
La CFDT a elle exprimé des "satisfactions" sur plusieurs points. "Il faudra maintenant que l'ensemble des acteurs s'en emparent et se convainquent que prévenir les risques, construire une organisation de travail favorable à la santé et dans laquelle les agents travaillent mieux et sont moins absents, est à l'avantage de tous, y compris des usagers", a-t-elle prévenu.
L'ensemble des syndicats regrettent par ailleurs que ce plan n'ait pas fait l'objet d'une vraie négociation collective, mais d'une simple consultation, laissant donc les arbitrages finaux au gouvernement. Ils pointent ainsi son caractère non contraignant.
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